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«Je vous aurais égorgé»: un chauffeur de taxi condamné à 8 mois de prison avec sursis pour avoir menacé de mort une famille de confession juive

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COMPTE RENDU D'AUDIENCE - Un chauffeur de taxi était jugé devant le tribunal correctionnel de Créteil pour «menaces de mort et discrimination». Le mis en cause avait refusé de prendre en course une famille de confession juive à l'aéroport d'Orly, le 11 octobre 2023.

Dans la petite salle d'audience du tribunal de Créteil ce lundi, est jugé Fethi C. Le mis en cause, âgé de 55 ans, est habillé d'une veste de costume bleu marine au-dessus d'une chemise blanche. Le chauffeur de taxi semble arriver avec assurance, mais lorsqu'il est appelé à la barre, il redresse maladroitement ses lunettes.

«Heureusement que je ne vous ai pas pris, sinon je vous aurais égorgé vous, votre femme et vos enfants», énonce la présidente. C'est pour cette phrase notamment, que Fethi C. a rendez-vous aujourd'hui avec la justice. Dans la salle, une personne du public ne peut contenir un hoquet de surprise, choquée par les propos qui sont évoqués.

Les faits remontent au 11 octobre 2023, soit quatre jours après l'attaque du Hamas. Un couple et leurs trois enfants arrivent à Paris après avoir quitté Tel-Aviv en Israël. Après l'atterrissage à l'aéroport d'Orly (Val-de-Marne), la famille attend un taxi dans la file d'attente. Alors qu'ils se dirigent vers le véhicule, Fethi C., qui devait les transporter, refuse de les prendre, en raison de leur appartenance religieuse.

Le père de famille signale les faits le jour même, à la Direction des usagers et des polices administratives de la préfecture de police. Une enquête permettra ensuite d'identifier le mis en cause, grâce aux images de vidéosurveillance.

Les actes antisémites ont quadruplé

Si la famille a décidé de ne pas porter plainte et de ne pas être présente en ce jour de procès, ce n'est pas le cas des diverses associations qui ont décidé de défendre le dossier. La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) notamment soulignent la gravité des propos de Fethi C., il y a de cela près de sept mois.

Lorsque les parties civiles prennent la parole, c'est à peu près le même discours. Les actes antisémites ont quadruplé depuis l'attentat du 7 octobre et la peur règne au sein des familles juives. L'an dernier 1676 actes ont été recensés en France contre 436 l'année précédente, selon un rapport du Crif, après la date des attaques du Hamas contre Israël.«On a une communauté juive en France qui retire tout signe religieux car elle a peur», relate Me Galina Elbaz, conseil de la Licra. «La meilleure sanction, c'est le rappel à la loi», assure Me Franck Serfati, l'avocat du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), aussi partie civile, qui soutient que le chauffeur de taxi «ment depuis le début.»

«Les étudiants ont peur, des familles sont terrorisées depuis le 7 octobre. Les menaces de mort ne doivent pas rester impunies», assure-t-elle avec conviction. De son côté, le représentant du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) défend : «La question est, quelle sera notre attitude? Est-ce qu'on laissera regarder les wagons à bestiaux par les fenêtres ou est-ce qu'on se mettra sur les rails pour les empêcher de passer ?»

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«Sale chômeur de merde»

Lorsque Fethi C. passe à la barre, il énonce sa version, d'une voix basse et presque inaudible. Il nie totalement les faits et accuse lui-même le père de famille d'avoir engendré l'altercation. Toutefois, ses explications restent floues et il semble lui-même se perdre dans ses paroles.

D'après les dires de l'accusé, alors qu'il fumait une cigarette au point d'accueil des taxis de l'aéroport, le père de famille serait venu l'aborder afin de lui demander de monter dans son véhicule. Par la même occasion, il aurait également demandé au suspect une cigarette. Pour le mis en cause, celui qui aurait dû être son futur client a soudainement changé de personnalité. Il lui aurait chuchoté à l'oreille : «Si vous n'êtes pas pressé je prends un autre taxi.»

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. «Sale chômeur de merde», aurait poursuivi le père de famille, tout cela accompagné d'un doigt d'honneur, toujours selon les dires de Fethi C. D'autres noms d'oiseaux se seraient également envolés, dont certains en arabe, de la part des deux hommes. «Je lui ai répondu même pas le dixième de ce qu'il m'a insulté», rétorque à la barre le chauffeur de taxi. Les images de la vidéosurveillance montrent bien une altercation verbale entre les deux hommes.

«C'est mon van je prends qui je veux»

Malheureusement, sa version des faits ne colle pas avec celle du témoin. Dans une déclaration énoncée par la présidente, l'agent régulateur des taxis de l'aéroport, César K. aurait clairement entendu les propos antisémites de Fethi C. Le prévenu aurait même ajouté «sale juif e*****» et aurait répondu «c'est mon van je prends qui je veux» à l'agent. À l'entente de ces mots, l'accusé étire un léger rictus et semble en désaccord avec ces déclarations.

«Je me sens insulté d'être accusé de telles accusations», balbutie de son côté Fethi C. à la barre. Lorsque vient son tour, le conseil de Fethi C. reproche l'absence du second concerné : le père de famille. «Il n'a pas été entendu dans toute la procédure», relate son avocat. «Il y a quatre parties civiles pour aucune personne qui n'est venue se présenter.»

En parallèle, Me Boris Rosenthal qui défend le prévenu, semble également être en accord avec ses confrères, et «refuse de succomber à cette tension», explique-t-il en faisant référence aux pressions que le pays connait depuis le conflit israélo-palestinien. Le conseil décide également d'apporter à la cour une lettre de soutien d'un rabbin proche de Fethi C. «Il vit au-dessus d'un centre culturel juif !», conclut Me Boris Rosenthal.

Le prévenu a finalement été condamné à huit mois prison assortis d'un sursis simple, ainsi que d'un stage citoyenneté à effectuer à ses frais. Par ailleurs, il a également été condamné à payer 1500 euros de dommages et intérêts et 800 euros au titre des frais non payés par l'État.

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