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Enfance en danger: plus de 3.350 placements non exécutés selon le Syndicat de la magistrature

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Alors que l'Assemblée nationale a lancé la semaine dernière une commission d'enquête sur la protection de l'enfance, RMC dévoile ce lundi en exclusivité la cartographie des placements non exécutés en France. D'après une étude du Syndicat de la magistrature, plus de 3.350 mesures de placements ordonnées par les juges des enfants n'étaient pas exécutées en novembre dernier. Le département de l'Ille-et-Vilaine totalise à lui seul 397 placements non exécutés, devant la Loire-Atlantique (300) et le Nord (248).

"On ne peut pas laisser un enfant victime de violence sexuelle au sein de sa famille, ce n'est pas possible". Étienne Kubica, juge pour enfants à Rennes, délégué régional au Syndicat de la magistrature, gère 600 dossiers avec des enfants à protéger. Dans 200 cas, il a ordonné le placement de mineurs en famille d'accueil. Mais le département de l'Ille-et-Vilaine totalise à lui seul 397 placements non exécutés d'après un sondage du Syndicat de la magistrature en novembre 2023, auquel ont participé 35% des juges des enfants, révélé en exclusivité par RMC ce lundi. Au total, en novembre 2023, il y avait au moins 3.352 placements non exécutés en France (voir carte ci-dessous).

Carte des placements non exécutés en novembre 2023 © RMC

"La situation est dramatique, explique Etienne Kubica. Les conseils départementaux n'ont pas les moyens de leur politique. Il manque également un certain nombre de familles d'accueil, un certain nombre de places en foyer. Par exemple, on a un enfant de 6 ans qui bénéficie d'une mesure de placement depuis deux ans, confronté à une mère qui souffre d'une pathologie psychiatrique. Cet enfant-là reste malgré tout dans une situation de grand danger à son domicile familial."

Des enfants qui ne sont pas protégés

En 2022, 60 enfants son décédés de mort violente au sein de leur famille. Derrière ces chiffres, il y a des enfants qui ne sont pas protégés. C'est ici une adolescente de 15 ans, violée par son beau-père, qui vit chez sa mère la semaine et passe ses week-ends en gite quand son agresseur revient à la maison. Là, trois adolescentes dont deux en situation de risque prostitutionnel et la petite dernière victime d'agression sexuelle par son père, qui a depuis interdiction d'entrer en contact avec elle. Le juge des enfants a ordonné le placement en 2022, toujours pas exécuté. L'ainée est désormais majeure.

Des situations face auxquelles les juges des enfants se sentent parfois impuissants. Bien souvent, les délais d'exécution, parfois plus d'un an pour l'intervention d'un éducateur au domicile, entraine une dégradation de la situation des mineurs chez des parents démunis ou maltraitants. 77% des juges des enfants admettent avoir renoncé à placer des enfants en danger dans leur famille, faute de places d'accueil.

Des moyens supplémentaires réclamés

En 2018, déjà, les juges des enfants de Bobigny publiaient dans Le Monde une tribune pour alerter sur l'état de la justice des mineurs. Aujourd'hui, d'après le Syndicat de la magistrature, 522 juges des enfants sont chargés de suivre 254.673 enfants en danger faisant l'objet d'une mesure judiciaire de protection de l'enfance. En théorie, un juge des enfants devrait suivre 325 situations. En pratique, 50% des juges des enfants suivent 450 situations, ce qui représente en comptant les fratries près de 800 enfants.

Le Syndicat de la magistrature demande 235 juges supplémentaires pour maintenir un portefeuille de 325 situations en assistance éducative par magistrat. Pour prendre la mesure de ce gouffre, le Syndicat de la magistrature demande la publication mensuelle des places d'accueil par département.

Un rassemblement à Paris ce mardi

Avant la commission d'enquête sur les dysfonctionnements de la protection de l'enfance, le Comité de vigilance des enfants placés appelle à un rassemblement ce mardi 7 mai à 18h, place Jacques Bainville, à Paris.

Marion Dubreuil et Martin Cadoret

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