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Trois morts en 48 heures… Mais que se passe-t-il à Sevran ?

Original source (on modern site)

Les règlements de compte sur fond de trafic de stupéfiants sont monnaie courante à Marseille. C'était, jusqu'ici, un peu moins le cas à Sevran, où les dealers de cannabis occupent certains quartiers depuis de nombreuses années. Mais en moins de 48 heures, trois personnes ont été fauchées par les balles dans cette ville de Seine-Saint-Denis.

La première a perdu la vie dans la nuit de vendredi à samedi, dans le quartier des Beaudottes. Selon nos informations, la victime se trouvait avec d'autres personnes sur le parking situé devant la Micro-Folie, un centre culturel qui se trouve près de la cité des Beaudottes. Vers 23h50, deux personnes sont arrivées à bord d'une Peugeot 5008. Le passager est sorti du véhicule puis a tiré à plusieurs reprises, avant de prendre la fuite. A l'arrivée des forces de l'ordre, cinq personnes blessées se trouvaient à terre. Malgré l'intervention des secours, Karim Y., 28 ans, qui a été touché à la gorge et à la tête, est décédé sur place.

Un « déchaînement inouï » de violence

Les quatre autres victimes, des hommes âgés de 22 à 29 ans, ont été évacués vers différents hôpitaux. Dans la nuit, trois autres blessés par balles ont été admis au centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois, dont un en est reparti avant de s'enregistrer. 25 douilles de 7.62, un calibre notamment utilisé pour les armes de type Kalachnikov, ont été retrouvées au sol. Une enquête pour homicide volontaire en bande organisée et tentatives d'homicide volontaires en bande organisée a été ouverte par le parquet de Bobigny. Elle a été confiée à la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne.

Pour le maire de la commune, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un règlement de comptes lié au trafic de stupéfiants. « Le déchaînement inouï de cette violence ne se produit pas par hasard. C'est le trafic, l'argent sale de l'économie de la drogue qui est responsable », a écrit Stéphane Blanchet dans un communiqué. Le procureur de la République de Bobigny a, lui, indiqué ce lundi qu'il s'agissait « d'une hypothèse de travail ». Eric Mathais a cependant précisé qu' « aucune des victimes ne présentent d'antécédents » judiciaires en lien avec des affaires de stupéfiants.

Des victimes connues des services de police

Deux jours après, une nouvelle fusillade éclate à Sevran. Cette fois dans le quartier de la cité Basse. Vers 18h10, les victimes se trouvaient à proximité d'une aire de jeu lorsqu'un homme, le visage masqué, est arrivé, indique une source policière. Intégralement vêtu de noir et portant un blouson en cuir, il a tiré à plusieurs reprises avec une arme de poing sur Sofiane B., 35 ans, et Abderrahim B., 31 ans. L'un a reçu une balle en pleine tête. L'autre a reçu six balles. Tous deux sont décédés avant l'arrivée des secours.

Le suspect a ensuite pris la fuite à pied. Toujours selon nos informations, 18 douilles ont été retrouvées sur place par les policiers, ainsi qu'un chargeur de pistolet automatique. « On a de bonnes raisons de penser que les faits de ce (dimanche) soir ne sont pas complètement étrangers au trafic de stupéfiants », a indiqué le préfet de police, Laurent Nuñez, lors d'un point presse dans le commissariat de Sevran. Il faut dire que les deux victimes étaient déjà connues des services de police pour violences et trafic de stupéfiants. Une enquête a été ouverte par le parquet, là encore confiée à la brigade criminelle de la PJ parisienne. Dans ces deux affaires, les auteurs sont activement recherchés.

Une conséquence des opérations « place nette XXL » ?

Y a-t-il un lien entre les deux fusillades ? « Il faut être extrêmement prudent », a souligné Laurent Nuñez. « Aucun lien ne peut être objectivé à ce stade avec la fusillade mortelle intervenue le 3 mai à Sevran », a également fait savoir le procureur de la République de Bobigny.

En revanche, le préfet de police a rappelé qu'une opération antidrogue « place nette XXL » avait été lancée dans cette commune de 52.000 habitants le 25 mars dernier. « Evidemment, on a conscience que quand on fait ça, on déstabilise le trafic. On crée des convoitises et parfois, il y a des affrontements entre bandes pour récupérer des territoires, d'où un certain nombre de règlements de compte qui se traduisent par des homicides », a précisé le haut fonctionnaire.

« Risques d'escalades »

« Ces opérations "place nette XXL" ont du sens car elles permettent aux collègues d'occuper chaque centimètre carré sur le terrain dans les cités, pour mettre à mal - au moins provisoirement - le trafic de stupéfiants », explique à 20 Minutes Eric Henry, délégué national du syndicat Alliance. « Cela a permis de déstructurer certains réseaux. Du coup, d'autres pourraient avoir envie prendre leur place, et d'étendre leur emprise territoriale pour optimiser leurs gains. La manne financière est tellement importante que certains veulent gagner toujours plus d'argent », insiste-t-il.

Pour Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Un1té, ces opérations « déstabilisent localement les réseaux de trafiquants puisqu'on interpelle des charbonneurs - des vendeurs - des lieutenants, des guetteurs ». « Cela peut être l'occasion, pour certains, d'essayer de récupérer un territoire », répète-t-elle. Mais la violence engendre la violence. Et pour la syndicaliste, il existe « des risques d'escalades, de représailles pour venger le mort de la veille en s'attaquant à l'équipe d'en face ». « Cela peut aussi expliquer l'enchaînement de règlements de compte sur plusieurs jours. On est sur des guerres de clans, il ne faut pas l'oublier. »

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