Europe : Le RN défend un Frexit de l'intérieur

Nouveau parce que le Rassemblement National ne défend plus la sortie de l'Union européenne ni le retour au franc - comme auparavant. La question est de savoir -et on reste dans le factuel- si ce qu'il propose ne revient pas en pratique au même.

Une fois lue les 15 pages du projet, la réponse est que non, ce n'est pas une sortie a priori.

Mais c'est un détricotage de l'intérieur, une stratégie de cheval de Troie, pour tellement changer l'Union européenne qu'elle n'aura plus rien à voir avec ce qui existe.

L'analyse n'est pas facile parce que tout est lissé pour éviter les mots qui fâchent, le gros rouge qui tache.

Jusque dans le détail : le RN ne parle ainsi plus de sortie du marché européen de l'électricité, mais de sortie des règles du marché de l'électricité. C'est subtil mais revient au même.

Attention : les électeurs peuvent se dire que le RN assouplira ses positions comme l'a fait Giorgia Meloni en Italie : il n'en est rien, c'est un Frexit de l'intérieur assumé.

Entrons dans les détails

L'Europe que revendique le RN est l'Europe de la seule coopération entre pays

Il donne 3 exemples (3 seulement) : des échanges scientifiques (cela ne mange pas de pain), le programme Erasmus d'échange d'étudiants, et quelque chose comme le partage des hydravions en cas d'incendie.

Tout le reste doit être revu de fond en comble avec un principe : la supériorité du droit français sur le droit européen.

La Commission européenne disparaît quasiment. Il n'y a plus de politique climatique puisque la baisse des émissions de CO2 doit venir pour le principal de la baisse des importations...

On continue : la préférence nationale généralisée (en économie aussi), c'est la fin du marché unique.

Bien sûr, le RN brosse les automobilistes dans le sens du poil : il refuse la généralisation des voitures électriques à partir de 2035 - que nos constructeurs défendent pourtant.

Et sur l'euro ?

On l'a dit, officiellement, le RN le garde. Mais il exige aussi que le mandat de la banque centrale européenne s'élargisse à la croissance et au chômage.

Vous me direz, Emmanuel Macron aussi. Sauf que comme les autres pays le refuseront à un parti qui veut tout changer en Europe, la question est de savoir alors si le RN (et Marine Le Pen si elle était élue en 2027) sortirait alors la France de l'euro. C'est le codicille caché du projet.

Au total ?

Le projet du RN, s'il était appliqué, ne serait pas la fin de l'Histoire. L'Europe en a vu d'autres. Mais ce serait la fin de l'histoire écrite depuis 1957.

Depuis 10 ans, l'Europe a changé, mais contrairement à ce qu'il dit, le RN a moins changé qu'elle.

Ce n'est pas un hasard : le retrait du drapeau européen de tous les bâtiments publics reste, c'est écrit, une priorité.