< Back to 68k.news FR front page

L'aide active à mourir

Original source (on modern site) | Article images: [1]

Le projet de loi autorisant l'aide active à mourir va être examiné à l'Assemblée nationale. Depuis plusieurs années, le débat sur ce sujet fait rage entre les uns et les autres et à l'intérieur de chacun. S'agit-il d'une rupture anthropologique ou d'une ultime et salutaire conquête de la liberté ? Alain Finkielkraut s'en remet à la sagacité philosophique de Damien Le Guay, auteur de Quand l'euthanasie sera là (Salvator, 2024), et à Raphaël Enthoven qui est vigoureusement intervenu à plusieurs reprises sur cette question.

Interdit de tuer et droit de mourir

Damien Le Guay rappelle la situation particulière dans laquelle prend place cette conversation : "Nous sommes au bord d'une loi, dit-il, ce qui nous demande de réviser nos idées au regard de celle-ci. Qu'est-ce qu'une loi ? C'est d'abord une liberté qui devient un droit. Dans ce cas particulier, c'est un interdit, 'Tu ne tueras point', qui devient licite et donc qui acquiert une valeur positive. C'est aussi la définition d'une procédure et de ses conditions." Considérant donc à la fois la nature et le contenu de cette loi, il s'interroge : "S'agit-il seulement de soulager des cas jugés particulièrement inhumains ? Ne risque-t-on pas, une fois cette porte ouverte, d'aller toujours plus loin ? S'agit-il de passer outre ce que Ricœur nommait 'l'alliance thérapeutique' qui se noue entre le patient, le médecin et la famille ? Cette manière de mourir va-t-elle devenir une manière comme une autre de mourir ?"

Raphaël Enthoven lui oppose que l'interdit de tuer n'est pas un absolu : "Dire que le 'Tu ne tueras point' devient licite, c'est méconnaître le fait qu'il est licite depuis longtemps. On vit dans un monde où la vie n'est pas sacrée." Selon lui, a fortiori, "aujourd'hui la situation n'est pas celle d'un interdit, mais d'un accord sans le dire. La loi interdit l'aide à mourir sur le papier, mais en pratique, nous fermons les yeux sur ceux qui arrivent à mourir en catimini, en cachette, au titre d'exceptions dont la loi ne devrait pas s'occuper. Cela devient un privilège de nantis, car pour mourir comme on le souhaite, il faut aller le faire ailleurs et payer. Autrement dit, en l'état, la loi ne règle pas tous les problèmes. Il y a quantité d'exceptions, qui sont autant de scandales que la loi doit prendre en charge."

Des effets des lois

Dans son livre, Damien Le Guay écrit : "L'idée de l'euthanasie est bonne. Qui voudrait souffrir ? Qui ne voudrait pas s'abstenir dans l'indignité de situations inhumaines ? Mais les bonnes idées ne sont pas forcément de bonnes solutions."

Raphaël Enthoven commente : "La question de la bonne idée qui devient une mauvaise pratique est une objection intéressante. Reste que l'argument du mauvais usage d'une liberté ne me paraît pas recevable contre l'attribution de cette liberté. C'est le drame démocratique. La démocratie est grande de nous permettre d'être médiocres, égoïstes. Les libertés qu'elle nous donne, nous pouvons en faire mauvais usage." Enfin, il opère une distinction entre "l'attribution d'une liberté" et "la promotion d'un comportement", estimant que l'adoption de cette loi aurait pour seul effet de transformer le fait en droit, sans en faire une norme pour autant.

Damien Le Guay insiste "contre l'idée qu'une loi est un droit que l'on octroie à quelqu'un et qui n'aurait pas d'effet sur les autres. Tocqueville nous dit qu'en régime démocratique, il y a un effet de crédulité de l'homme démocratique, qui s'en remet de plus en plus au jugement public, à l'opinion commune. On voit bien que dans les différents pays dans lesquels cette liberté a été accordée, il y a eu un toujours eu un effet de contagion."

Bibliographie

Pour aller plus loin

< Back to 68k.news FR front page