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Récit : au procès de Donald Trump, l'intense semaine de son ancien "pitbull" Michael Cohen

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Michael Cohen, l'ancien avocat de Donald Trump, est le témoin clef de l'accusation dans le procès de l'ancien président américain pour un paiement dissimulé à l'ex-actrice X Stormy Daniels. Au tribunal de Manhattan, les avocats du milliardaire ont redoublé d'efforts pour le faire passer pour un affabulateur et semer le doute auprès des jurés.

Donald Trump était-il au courant de paiements visant à étouffer de possibles scandales sexuels pendant la campagne présidentielle de 2016 ? Après le récit cru livré la semaine dernière par l'actrice et réalisatrice de films pornographiques Stormy Daniels sur la relation sexuelle qu'elle a eue en 2006 avec Donald Trump - et que celui-ci nie -, le témoignage de Michael Cohen entendu depuis lundi 13 mai est crucial pour l'accusation. L'ex-avocat du milliardaire est le témoin le plus important car il place directement Donald Trump au centre du stratagème présumé visant à faire taire les femmes qui affirment avoir eu des rapports sexuels avec lui.

Retour sur une semaine de procès historique aux lourds enjeux politiques, à quelques mois de la présidentielle américaine. En effet, s'il pourra de toute façon se présenter au scrutin de novembre et même l'emporter, Donald Trump risque une première condamnation pénale, possiblement assortie d'une peine de prison ferme.

"S'assurer" que l'histoire "ne sorte pas"

Assis dans la salle d'audience, Donald Trump n'en peut plus, contraint d'écouter pendant des heures le témoignage à charge de Michael Cohen. Alors que son ancien avocat devenu ennemi juré s'exprime à la barre lundi, le milliardaire demeure impassible mais écoute le témoin, parfois un peu affaissé dans son fauteuil, allant jusqu'à fermer les yeux pendant les moments les plus gênants. Les deux hommes n'échangent quasiment aucun regard.

Donald Trump doit être présent à toutes les audiences, qui ont lieu quasiment tous les jours depuis mi-avril. Il n'a pas le droit de s'exprimer publiquement au sujet des personnes appelées à témoigner.

Dans la salle résonne l'enregistrement audio d'une conversation privée dans laquelle les deux hommes évoquent un paiement. Celui de l'affaire Karen McDougal, une mannequin de Playboy qui aurait eu une histoire avec le milliardaire en 2006. Michael Cohen affirme que son ex-patron était au courant de paiements à la jeune femme. Selon lui, Donald Trump lui aurait demandé de "s'assurer" que l'histoire "ne sorte pas".

Puis le tribunal aborde le cas Stormy Daniels, dont les révélations risquaient d'éclabousser la toute fin de campagne présidentielle du milliardaire en 2016. Cette fois, pas d'enregistrement, mais le seul témoignage de Michael Cohen, qui s'exprime avec calme, affirmant avoir menti et intimidé des personnes pour le compte de l'ancien président des États-Unis.

L'ancien président américain Donald Trump à son procès pour dissimulation de paiements d'argent occulte au tribunal pénal de Manhattan, le 13 mai 2024. © AFP

"Il était vraiment en colère contre moi. 'Je pensais que c'était sous contrôle'", lui aurait dit Donald Trump. "Occupe-toi de ça", aurait-il ajouté. "Achète les droits à vie" de cette histoire. "Il faut qu'on arrête ça", a encore rapporté Michael Cohen, toujours en citant Donald Trump. Michael Cohen s'était lui-même chargé de payer 130 000 dollars à Stormy Daniels.

Selon l'accusation, quand l'avocat a été remboursé en 2017 par celui qui était devenu président des États-Unis, cela a été maquillé en "frais juridiques" dans les comptes de la holding immobilière familiale, la Trump Organization. Objectif : cacher que l'argent avait servi à étouffer un scandale sexuel.

Dans ce procès, l'ex-chef de l'État est poursuivi pour 34 délits de falsifications comptables, qui pourraient lui valoir en théorie une peine de prison.

Vente de tee-shirts avec Donald Trump derrière des barreaux

Pour qu'il y ait condamnation, il faut cependant l'unanimité des jurés. Les avocats de la défense ont ainsi tenté mardi, au deuxième jour de l'audition de Michael Cohen, de semer le doute.

L'ancien homme de confiance a été bombardé de questions, au cours d'une journée où le ton de Todd Blanche, principal avocat de la défense, est devenu de plus en plus agressif. Mais, rompu à l'exercice, Michael Cohen est resté concentré, gardant son calme et pesant ses mots à chaque réponse.

Le but de la défense de Donald Trump : décrire Michael Cohen comme un menteur pathologique et obsédé par sa soif de revanche contre l'ancien président. Pour cela, Todd Blanche a rappelé que sur son site Internet, Michael Cohen vendait des tee-shirts à l'effigie de Donald Trump derrière des barreaux, ou un mug lui souhaitant la prison plutôt que la Maison Blanche.

"Voulez-vous que le président Trump soit condamné dans cette affaire ?", a demandé Todd Blanche. "Bien sûr", a répondu Michael Cohen, qui s'était retourné contre son ancien patron en 2018, après avoir été rattrapé par la justice.

Michael Cohen avait en effet commencé par protéger l'ancien président, déclarant avoir payé l'actrice de sa propre initiative sans en informer son patron. Mais la justice a fini par le convoquer. Il a alors changé sa version des faits, affirmant avoir agi sous la contrainte.

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Michael Cohen a donc plaidé coupable en 2018 de fraudes bancaire et fiscale, mensonge devant le Congrès américain et violation des lois de financement de campagne électorale, dans l'affaire du paiement à Stormy Daniels. Condamné à trois ans de prison, il a passé 13 mois derrière les barreaux.

Dans un moment chargé d'intensité, la procureure a montré à la cour les factures du remboursement à Michael Cohen, ainsi que 11 chèques, la plupart directement signés par Donald Trump.

Blessure d'ego et motivations financières ?

L'entreprise de séduction des jurés a continué jeudi quand l'avocat de Donald Trump s'est méthodiquement évertué, des heures durant, à démontrer que Michael Cohen n'a jamais été digne de foi.

Ainsi, l'avocat l'a longuement interrogé sur ses mensonges devant le Congrès, à Washington en 2017 - mensonges qui lui ont valu une condamnation. Todd Blanche a aussi énuméré de nombreux autres épisodes où Michael Cohen se serait, selon lui, arrangé avec la vérité, avant de jeter le doute sur la véracité de son témoignage.

Données téléphoniques à l'appui, Todd Blanche a voulu démontrer que Michael Cohen avait "menti" en assurant avoir tenu au courant Donald Trump que l'affaire Stormy Daniels était enterrée, fin octobre 2016. "C'était un mensonge. Admettez-le", a-t-il lancé, la voix ferme. Bousculé, Michael Cohen a quand même maintenu sa version.

La défense a aussi insisté sur la blessure d'ego qu'aurait ressenti le témoin quand, une fois Donald Trump entré à la Maison Blanche le 20 janvier 2017, il n'y avait pas été recruté.

Pour soutenir cette affirmation, Todd Blanche a confronté Michael Cohen aux messages injurieux qu'il avait postés sur les réseaux sociaux, à un podcast datant de 2020 et à des livres qu'il a écrits sur l'ancien président, l'amenant à reconnaître qu'il avait gagné des millions de dollars en poursuivant son désir de vengeance à l'encontre de Donald Trump.

La défense s'est également attaquée aux motivations de l'ex-avocat et a recueilli des témoignages visant à étayer l'argument selon lequel l'accord avec Stormy Daniels était essentiellement une manœuvre d'extorsion à l'encontre de Donald Trump, plutôt qu'un complot visant à maintenir les électeurs dans l'ignorance.

Michael Cohen a reconnu avoir dit à un ancien procureur qu'il pensait que Stormy Daniels et son avocat extorquaient Donald Trump en cherchant à obtenir un paiement de 130 000 dollars pour qu'elle ne parle pas de leur relation sexuelle présumée.

Si la défense parvient à saper le témoignage de Michael Cohen, le succès de la manœuvre pourrait déterminer le sort de l'ancien président américain dans cette affaire.

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Après une journée de pause vendredi, le contre-interrogatoire de Michael Cohen doit se terminer lundi. Suivront ensuite les plaidoiries finales, à partir de mardi, a prévenu le juge, Juan Merchan.

La défense de Donald Trump a confirmé, jeudi, n'avoir à ce stade qu'un seul témoin à citer, un expert des lois de financement de campagne, et maintient le doute sur un possible témoignage de Donald Trump lui-même.

Avec AFP

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